vendredi 11 décembre 2009

DEPASSEMENT DU CAPITALISME

Le Cercle Jacques Decour a depuis sa création en 2002, voulu modestement être un lieu pluraliste de réflexions et de débats pour aider à refonder idéologiquement l'action nécessaire des militants de la gauche politique, syndicale et associative.

Cette année, nous nous sommes donnés comme sujet de réflexion le thème du « Dépassement du capitalisme ». Celui-ci pouvant être interprété de multiples façons : le renversement du capitalisme et de l'économie de marché ; quelle société voulons-nous ? (le socialisme) ; la recherche de modes de production alternatifs (existent-ils ou ont-ils existé ?) ; la propriété des moyens de production …

Cette réflexion nous paraît d'autant plus urgente qu'elle permettrait, à notre avis, de donner des arguments, des objectifs et au delà de l'espoir aux militants qui luttent quotidiennement contre les attaques du gouvernement.

Pour commencer la série de débats nous avons invité Roger Martelli, historien, co-directeur du magazine Regard,

le mercredi 16 décembre à 18heures,

salle 121 des halles à Tours.

mercredi 13 mai 2009

Classe, conscience de classe et luttes actuelles

Exposé de Jacques DUCOL le 12 mai 2009

1-« Le capitalisme ne va pas s’effondrer dans les mois qui viennent. Mais la foi dans sa rationalité a été mise en brèche : la réalité des conflits qu’elle recouvre réapparaît à la faveur de la crise. On voit qu’il n’y a pas un mouvement historique irréversible mais un processus de luttes de classes » (Jacques Rancière, interview dans l’US d’avril 2009)
2-Comment rendre lisible ce mode en termes de luttes de classes pour le plus grand nombre ?

I / Réciter Marx ou penser avec lui ?

1)-Antonio Gramsci, la Révolution contre le capital, Avanti, 24 décembre 1917

1- « La révolution des bolchéviques... est la révolution contre le capital de Karl Marx... Les faits ont dépassé les idéologies. Les faits ont fait éclater les schémas critiques par lesquels l'histoire de la Russie aurait dû se dérouler selon les canons du matérialisme historique. Les bolcheviques renient Karl Marx, affirment, et avec le témoignage de l'action directe, des conquêtes réalisées, que les canons du matérialisme historique ne sont pas aussi solides qu'on pourrait le penser et qu'on l’a pensé ».

2- « Et pourtant il y a comme une part de fatalité dans ces événements, et si les bolcheviques ne sont pas fidèles à certaines affirmations du Capital ils n'en renient pas pour autant la pensée profonde, vivifiante. Ils ne sont pas « marxistes », voilà tout : ils n'ont pas écrit à partir des oeuvres du maître une doctrine extérieure, un ensemble d'affirmations dogmatiques et indiscutables. Ils vivent la pensée marxienne, celle qui ne meurt jamais... Et cette pensée pose toujours que le facteur déterminant de l'histoire, ce ne sont pas les faits économiques bruts, mais c'est l'homme, mais c'est la société des hommes, des hommes qui se côtoient les uns les autres, qui s'entendent entre eux, qui produisent grâce à ces contacts (civilisation), qui développent une volonté sociale, collective, et qui comprennent les faits économiques, les jugent, et les plient à leur propre volonté, jusqu'à ce que cette volonté devienne le moteur de l'économie, l'acte créateur de la réalité objective... »

2) Vivre la pensée de Marx

1-Originalité de Lénine et de la révolution russe

1-C'est la préparation et la réalisation de la première révolution prolétarienne consciente de soi.
2-Octobre 17 est le produit du Capital, le produit de la science contenue et à l’oeuvre dans le Capital : le produit, et non l'application (idée de développement inégal du capitalisme, existence de maillons faibles au sein même du capitalisme)
3 Le léninisme comme :
a-rejet du dogmatisme (cf les éléments du texte de AG)
b-insistance permanente sur le rôle actif et conscient des acteurs de l'histoire (cf texte)

2-Le concept de Capital

1-Généralité qui n'est pas du tout une abstraction privative des particularités du concret (exemple du concept d’arbre)
2-Idée d’une logique productive sans cesse à l' oeuvre de façon singulière bien que selon une nécessité universelle (exemple de la baisse tendancielle du taux de profit).
3-Non pas élaborer un modèle mais une topologie de l’objet : dans le Capital, Marx ne décrit pas une société capitaliste abstraite, il ne construit pas un modèle de la société capitaliste, dont les sociétés capitalistes réelles ne seraient des exemplaires singuliers, mais, ce qui est tout différent, il dégage les éléments théoriques essentiels qui permettent de penser chaque société capitaliste réelle et son mouvement nécessaire...
4- Ce faisant, les concepts ne nous disent absolument pas comment le concret singulier est en général, mais en général comment se produit le concret singulier :
=> peut-on encore parler des « anticipations » de Marx ? (développer)

II / De la classe en soi à la classe pour soi

1) Qu’est-ce qu’une classe ?

1-« On appelle classes de vastes groupes d'homme qui se distinguent par la place qu'ils tiennent dans un système historiquement défini de la production sociale, par le rapport (la plupart du temps fixé et consacré par la loi) aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de situation dans un régime déterminé de l'économie sociale ».(Lénine)

2- Commentaire

1-Définition objective
2-Mais une classe n’existe pas sans conscience de classe, c’est à dire sans une certaine conscience de sa situation, de l’unité de ses intérêts que certains doivent être capables de représenter et de traduire sur le plan politique.

2) Processus de formation de la conscience de classe dans le Manifeste communiste :

1- Lutte engagée par les ouvriers isolés ;
2- Lutte des ouvriers d’une même fabrique ;
3- Lutte des ouvriers d'une même branche d'industrie, d'une même localité
1-A ce stade, les ouvriers ne luttent pas encore contre la classe des capitalistes
2-Le prolétariat n'est encore que classe « en soi »
4- Nécessité d'accéder à la conscience de soi sur la base de l’essor du capitalisme : passage de la lutte contre un capitaliste isolé (le patron immédiat) à la lutte contre la classe capitaliste tout entière, contre l'Etat du capital.
1-Rôle chez Marx des premières organisations ouvrières qui doivent dépasser le trade-unionisme et « inscrire sur leurs drapeaux » le mot d’ordre révolutionnaire : « abolition du salariat »
2-Même logique aujourd’hui dans les luttes entreprises par de nouvelles catégories de travailleurs

3) L’esprit de parti comme conscience de classe chez Lénine

1-Réalité du prolétariat

1-Le prolétariat a une histoire : double aspect social (lié au capitalisme) et national (prolétariat de tel pays)
2-Bien que constituant une classe parfaitement définie par sa fonction dans la formation économique et sociale
a-Le prolétariat n'est pas une classe homogène
b-Il n'y a pas de limite précise entre le prolétariat et les autres classes (artisanat, paysannerie, et petite bourgeoisie) => aujourd’hui, prolétarisation de certaines couches sociales (intellectuels etc.)
c- Il y a toutes sortes de transition et d'intermédiaire entre lui et le reste de la société : dans les classes, entre les classes, il y a les « couches sociales » (jeunes, femmes etc.)
3- Le prolétariat n’est pas une conscience collective donnée une fois pour toutes
« Il faut prendre le prolétariat tel qu'il est, bigarré, composite etc., baignant dans la société qui l'enveloppe, dont il n'est qu'une partie, qui l'entoure, l'influence, et fait pénétrer en lui les habitudes, les préjugés, la morale et les idéologies des autres classes, surtout de la petite bourgeoisie. »

2- Dépasser l'instinct de classe et la spontanéité par l'éducation politique :

1- L'instinct de classe :
a- « il reste sur le plan de la conscience spontanée, c'est-à-dire des phénomènes, des apparences, des reflets superficiels qui ont un contenu réel mais l'enveloppent, le dissimulent »
b- Cette spontanéité prolétarienne ne représente qu'une forme embryonnaire de conscience politique (qui peut se retourner contre elle-même :ex. briser les machines).
2- Nécessité de l'éducation politique
a- « Le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise. Pourquoi ? Parce que cette dernière est plus ancienne que l'idéologie socialiste, plus achevée sous toutes ses formes, et possède infiniment plus de moyens de diffusion ». (Marx, Engels, marxisme) ;
b- « L'histoire de tous les pays atteste que, livrée à ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois » (Que faire?) ;
c- « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l'ouvrier que de l'extérieur, de l'extérieur de la lutte économique, de l'extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons ».
-pour Lénine, rôle essentiel du parti
-de nos jours ? nécessité d’un projet politique donnant du sens aux luttes concrètes ?
3- Rôle de l'esprit de scission chez Gramsci:
« Que peut opposer la classe innovatrice au formidable ensemble de tranchées et de fortifications de la classe dominante ? L'esprit de scission, c'est-à-dire l'acquisition progressive de la conscience de sa propre personnalité historique, esprit de scission qui doit tendre à s'exercer à l'encontre de la classe protagoniste comme des classes alliées potentielles ».

4) Conclusion
Un point commun essentiel : importance révolutionnaire décisive du moment subjectif dans la dialectique historique entre le sujet et l'objet, parce que dans les moments décisifs de la lutte, tout dépend de la conscience de classe du prolétariat, de la composante subjective.

III / Classe ouvrière et conscience de classe aujourd’hui

1) Réalité de la classe ouvrière

1- Il ne faut pas confondre mouvement ouvrier et classe ouvrière

1- Il y a épuisement sous certains aspects des mobilisations ouvrières (exemple des grèves politiques)
2- Il s'agit plus d'une recomposition sociale et culturelle que d’une disparition :
a- Certains emplois répertoriés du côté des services (manutention, logistique) conduisent à l'expression « ouvriers des services » ;
b- De plus en plus d’ouvriers travaillent en situation d'isolement dans le tertiaire et se rapprochent du statut d'employé.

2-Un certain effacement du monde ouvrier

1-Il s’est petit à petit effacé de la scène politique devant la vision d’une immense classe moyenne :
2-S’est estompée l’image d’une société organisée autour de la vieille opposition de classe entre possédants et travailleurs ;
3-Centralité du prolétariat et de la classe ouvrière qui a disparu
4-Une autre évolution : la quasi disparition de toute référence à la classe ouvrière (et même aux ouvriers) dans le discours des responsables politiques de gauche (y compris NPA)
5-Et pourtant, de nouvelles formes de prolétarisation touchent d’autres catégories de travailleurs (enseignants, professions de l’information et de la culture, ingénieurs, cadres)

2) Les facteurs de remise en cause de la culture de classe

1-La formation
Avec le développement de la scolarité, on accède au monde ouvrier par l’école (bac Pro, BTS …) et non plus par un processus d’éducation et de socialisation interne à la classe ouvrière.

2-Des processus socio-économiques

1- Le déclin du secteur industriel traditionnel qui a eu raison des solidarités collectives qui unissaient le monde ouvrier derrière la gauche
2-La promotion individuelle (professionnelle) et lignagière (accession à la propriété) de la partie supérieure de la classe ouvrière
3-La précarisation des conditions de vie et de travail de sa frange inférieure (fragmentation de sa frange inférieure)

3-Des facteurs politiques

1-Le social-libéralisme dominant :
a-Au sein d’un PS qui a abandonné depuis longtemps les références au marxisme et à la lutte des classes
(au niveau européen, droite et gauche ont voté ensemble dans 97% des cas)
b-Au sein de certaines organisations syndicales
2-L’anticapitalisme sans projet politique précis du NPA.
3-Les transformations organisationnelles et discursives du PCF :
a-Un certain misérabilisme en décalage à la fois avec les classes moyennes et les militants ouvriers qui ne se reconnaissent plus dans cette image dévalorisante ;
b-Dilution de l’identité ouvrière et de la culture communiste dans le rêve d’un parti « à l’image de la société » => critique de cette expression
c-Au cœur de l’entreprise d’émancipation communiste (la « visée communiste »),
-d’un côté l’homme en tant qu’individu singulier
-de l’autre, les gens qu’il faut rassembler
ð où sont passées les classes sociales ?

4- La force de l’idéologie bourgeoise

1- La lutte idéologique comme réalité quotidienne
a- Deux sens possibles du mot idéologie :
- superstructure nécessaire d'une structure déterminée ;
- élucubrations arbitraires d'individus déterminés.
b- Gramsci : « En tant qu'historiquement nécessaires, les idéologies ont une validité qui est validité psychologique, elles organisent les masses humaines, forment le terrain sur lequel les hommes se meuvent, acquièrent conscience de leur situation, luttent etc. ».
2-Influence de la morale sociétale bourgeoise
a-Pour discréditer l’industrie et se métiers, elle tend à valoriser :
-soit la naissance d’activités nouvelles ;
-soit le rejet du travail salarié (devenez entrepreneur, actionnaire…)
b-Mise en avant de l’individualisme libertaire :
-moyen d’insertion sociale et de réalisation des aspirations individuelles (corollaire : discrédit de l’engagement collectif, moteur essentiel des organisations ouvrières) ;
-valorisation de l’individu qui consomme le monde sans chercher à savoir qui organise et qui décide du travail ;
-refus de penser l’articulation entre citoyenneté et dépendance politique aux rapports sociaux
ð le syndicalisme est lui-même tenté d’accorder la primauté aux contrats entre partenaires sociaux sur le politique
3-Des coups de force idéologiques
a-Insistance sur la naturalisation des phénomènes sociaux (identification société = nature, cf Parisot et le parallèle amour / travail) ;
b-Mise en avant de l’idée de société du risque qui repose sur la confusion entre :
-les risques subjectifs relevant de décisions personnelles ou collectives (accidents etc.)
-les risques objectifs relevant de la structure même de la société (chômage, précarisation etc.)
4-Idéologie qui s’appuie sur la réalité de certaines mutations :
a-Capacité du Capital à exploiter la nouveauté
b-La révolution informationnelle
c-L’élévation du niveau intellectuel
d-Les aspirations à l’autonomie individuelle
e-La mise en question des structures délégataires :
-celles des institutions anciennes ;
-celles des organisations censées représenter les classes dominées et bâtir des alternatives

3) Exemple de la perte de conscience de classe : le vote ouvrier sous la Vème République

1-Remarque : Le vote ouvrier n’a jamais été naturellement acquis à la gauche
1-La gauche n’a jamais dépassé 70% du vote ouvrier
2-Scrutin du 21 avril 2002 : 43% à la gauche (= moyenne nationale)
24% à Le Pen

2-Les raisons du désalignement électoral
1- Le recul considérable du sentiment d'appartenance à la classe ouvrière dans la population française ;
2- La pratique gouvernementale de la gauche, de la gauche plurielle plus particulièrement ;

3- Le vote FN
1- Sensible dans certains milieux ouvriers communistes ou socialistes, il est prioritairement le fait de milieux ouvriers de droite ;
2- Il a été rendu plus manifeste du fait de la montée de l'abstention des milieux ouvriers de gauche, surtout communistes.

4-Cependant, le poids du vote ouvrier reste important, notamment par sa très large participation à la victoire du non le 25 mai 2005 (81 % des ouvriers ont refusé le texte)

IV / Un défi d’aujourd’hui : construire l’unité du salariat

1) Remarques préliminaires

1-Contrairement à certaines théories sociologiques (celle sur la servitude volontaire notamment), la lutte des classes n'a pas disparu des relations sociales en général, des relations de travail en particulier : luttes qui se manifestent à tous les niveaux de la vie sociale

2-« L'heure n'est plus à l'hégémonie du groupe des ouvriers métallurgistes qui furent les pionniers des conventions collectives et de la protection sociale de 1936. L’alliance des classes aujourd’hui devra être multipolaire, décentralisée et contrôlée par les citoyens » (Jean Lojkine)

2) Aspirations communes et convergences nouvelles

1- Prendre en compte les aspirations à l’émancipation

1- Autrefois, la conscience de classe s'est développée à un moment où l'enjeu émancipateur était principalement de sortir de la misère sociale et des pénibles conditions de travail.
2- Aujourd'hui, la quête d'émancipation se nourrit :
a- De la visibilité des richesses produites ;
b- Du développement de la mobilité, des échanges ;
c- De la connaissance du monde grâce à l'éducation ;
d- Des qualifications qui appellent la responsabilité ;
e- De la montée d'enjeux majeurs pour l'humanité.
=> mais retour de la prégnance de la misère sociale et de la pénibilité des conditions de travail
3-Aspiration à l’autonomie et à la maîtrise des conditions de production qui dépasse aujourd’hui largement le milieu des cadres
a- Les « Continental » de Clairois venus à Sarreguemines : « On est chez nous ici »
b-Mise en question de l’autonomie contrôlée du management participatif (autonomie dans l’organisation du travail, mais imposition des normes de rendement) : au profit d’une réelle autonomie des producteurs eux-mêmes, d’une véritable autogestion ?

2- La tendance à la convergence, caractéristique des luttes actuelles.

1- Réalité d'une grande violence potentielle qui se manifeste
a- Par des formes de radicalité (séquestration etc.), dans le privé notamment, à penser en liaison avec la faiblesse de la représentation syndicale (5 %) et son absence dans certaines petites entreprises ;
b- Par de brusques flambées contestataires (jeunes, lycéens etc.).
2- Les luttes des jeunes ne sont-elles en elles-mêmes spontanément révolutionnaire ?
a- Dénoncer le mythe de la jeunesse (Henri Lefebvre) :
- la jeunesse, qui n'a pas son être propre, ne se définit pas par elle-même et pour elle-même ;
- la jeunesse également sort d'une longue culture : c'est une conquête, une oeuvre de la civilisation, l'être humain jeune n'a pu se passer de protection, et la spontanéité ne peut naître - ou renaître - qu’à l'abri d'une éducation ;
- l'ignorance des jeunes en ce qui concerne l'histoire : le monde semble commencer à partir d'un pur commencement (la jeunesse, en croyant commencer, risque de recommencer et de répéter).
b- Elles peuvent au contraire représenter un obstacle à une perspective révolutionnaire :
- elles mettent rarement en perspective de la dénonciation du travail aliénant ;
- elles se nourrissent du besoin de qualification et d'insertion professionnelle, de l'aspiration à des activités intéressantes dans le cadre de la société telle qu'elle est.
3- Ne pas opposer les différentes formes de lutte :
a- Les luttes capital / travail dans les entreprises et les luttes culturelles, sociétales, transclassistes....
b- Les brusques flambées et l'action à long terme des organisations sociales et politiques engagées dans la « guerre de position » (Gramsci) :
=> la bataille pour les Services publics
c- L'urgent quantitatif des plus pauvres (exigences immédiates des colères sociales) et les exigences qualitatives des catégories exploitées mais plus aisées :
- risque de masquer l'enjeu rassembleur des finalités du travail ;
- dans le quantitatif des plus pauvres, il y a toujours du qualitatif en puissance (et inversement)
exemple : la conquête de la journée de 8h, la droit à la santé (Sécurité Sociale), retraite par répartition

3- Une unité syndicale qui se cherche

1- Rôle des luttes diverses conduites depuis plusieurs années (exemple de la grève des sans-papiers emmenée à la fois par la CGT et Droits devant).
2- Rencontre possible du secteur public et du secteur privé à partir
a- De la question des salaires
b- De celle du pouvoir dans les entreprises.
3- Ambivalence de la situation actuelle :
a- Les aspects positifs : cette unité a des conséquences mobilisatrices aux yeux du grand nombre et de l'opinion (73% des Français ont soutenu les manifestations du 1er Mai)
b- Les aspects négatifs : elle peut avoir un effet temporisateur du fait qu'elle impose de s'aligner sur le syndicat le moins disposé à aller de l'avant
exemple : interview dans L'H-D de Gérard Labrune de la CFE-CGC
« Vous avez des organisations qui veulent clairement changer les valeurs de notre société, en faire une société plus égalitaire. Nous, c'est clair, ce n'est pas notre tasse de thé ».

3)- Actualité et pertinence du concept léninien de lutte

1- Les trois sources de marxisme :
« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d’eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. Les partisans des réformes et améliorations seront dupés par les défenseurs du vieux régime aussi longtemps qu'ils n'auront pas compris que toute vieille institution, si barbare et si pourrie qu'elle soit, est soutenue par les forces de telles ou telles classes dominantes. Et pour briser la résistance de ces classes, il n'y a qu'un moyen : trouver dans la société même qui nous entoure, puis éduquer et organiser pour la lutte, les forces qui peuvent et doivent de par leur situation sociale devenir la force capable de balayer le vieux et de créer le nouveau ».

2- Analyse

1- La lutte exprime en premier lieu la lutte de classe comme vérité de la praxis sociale : cette vérité vaut a fortiori pour toute conjoncture dont elle dit à la fois l'essence et le principe de déchiffrement
2- Il est dans la nature de toute conjoncture de se donner comme lutte : les formes de cette lutte - idéologiques, politiques, théorique etc. - sont toujours des effets de la lutte de classes
3- L'appréciation de ses effets est précisément l'objet de la pratique politique : ce concept de lutte qui joue un rôle dominant dans l’oeuvre de Lénine à travers les connotations expressives de la pratique politique (notamment stratégie / tactique)

3- Une conséquence : le concept d'alliance de classes

1-Pourquoi des alliances ? Même en tant que force sociale ayant acquis la plus haute conscience politique, le prolétariat ne peut rien seul
a-Parce qu'il n'a jamais été et ne sera jamais la totalité de la population ;
b-Parce qu'il trouve devant lui des classes dominantes plus fortes que lui ;
c-Parce qu'autour de lui subsistent les masses importantes de la petite bourgeoisie, des paysans, des artisans, des petits producteurs.
2- Concept qui renvoieà la fois :
a- Aux déterminations socio-économiques qui obligent à ranger dans le même camp les couches sociales ne détenant pas les moyens de production (ouvriers, paysans, intellectuels) ;
b- A la finalité qui unit ces couches : conquête du pouvoir politique pour l'instauration de rapports de production radicalement nouveaux.

4-Problèmes

1-Comment de nos jours prendre en compte ce concept d'alliance, c'est-à-dire comment construire l'unité du salariat ?
2-Cette unité peut-elle encore se faire à partir d’un centre unique - le prolétariat - sous la direction d’un moyen unique, le parti « de la classe ouvrière » ? C’était encore la position de Lénine et de Gramsci
3-Ne doit-on pas plutôt aujourd’hui penser une alliance de classe « multipolaire, décentralisée et contrôlée par les citoyens eux-mêmes » ? Mais alors, qui conclut des alliances ? Une alliance pour et par quel projet politique ?

4)-L’existence de la classe fondamentale comme lutte continuelle

1-Une réalité nouvelle

1-La lutte des classes n’a bien sûr pas disparu, mais présente des formes spécifiquement modernes que Jacques Bidet propose de penser, approfondissant et reconstruisant ainsi l’édifice théorique de Marx, à partir des relations complexes d’opposition entre la classe capitaliste dominante et la classe fondamentale.
2- Qu’est-ce que la classe fondamentale ?
« C’est l’ensemble de ceux dont le travail est exploité à travers le rapport de classes spécifiquement moderne, formant des fractions selon qu’y prédomine le marché (paysans, artisans etc.), l’organisation (salariés du public), ou que les deux facteurs s’y conjuguent plus étroitement (salariés du privé). Ils forment une seule classe, que je désigne comme la classe fondamentale. ».

2-Le pouvoir de classe par le marché et l’organisation

1-La société moderne ne se réduit pas à son « être capitaliste » traditionnel (par exemple la propriété privée des moyens de production, les institutions et les pratiques qui s’y rattachent), mais la production publique de richesses, débordant ce cadre, est partout considérable grâce aux différents systèmes organisés que sont par exemple l’enseignement, la santé ou l’administration.
2-Au sein de l’entreprise marchande, dans le processus de production de richesses, comme dans l’ensemble de la société, s’exerce une fonction non marchande, l’organisation : il faut reconnaître alors que la classe capitaliste dominante « comporte donc deux pôles,
a-« l’un autour du procès marchand » où « fonctionnent des titres de propriété » (rôle des actionnaires)
b-« l’autre autour du procès organisationnel » où « s’exhibent les titres de compétence reconnue » (l’ensemble des cadres)
=> pertinence de la question des intellectuels chez Gramsci
3-Ainsi, la classe dominante ne peut exister, maintenir et accroître sa domination que par l’articulation de ces deux pôles que sont le marché et l’organisation, deux fonctions corrélatives mais néanmoins distinctes
a-En effet, l’actionnaire ne pourrait pas exploiter le travailleur sans le concours nécessaire du gestionnaire - concours néanmoins jamais absolu ou définitif parce que dépendant de la force et de l’influence des luttes en cours
b-Même s’il faut reconnaître que dans le cadre du processus actuel de « mondialisation » le pôle des « compétents » a jusqu’à présent davantage convergé du côté du pôle de la propriété, il faut noter l’importance de l’engagement actuel de la CFE-CG : interview dans L'H-D de Gérard Labrune
« Regardez chez nous : la participation au 1er mai est quelque chose d'exceptionnel, mais nous n'avons eu aucun mal à obtenir ce mandat de notre organisation »

3-Possibilité de la convergence des luttes

1-C’est pourquoi peuvent se développer et converger objectivement une multitude de luttes, sans pour autant que leurs acteurs s’en représentent clairement les enjeux : parce que la classe fondamentale « ne vit que de constamment subvertir
a-La machinerie du marché capitaliste qui vise l’accumulation du profit (lutte pour les salaires, contre la recherche du profit pour le profit défendue comme fin en soi par la classe dominante).
b-Celle de l’organisation qui vise la monopolisation du pouvoir » (problème de la démocratie dans l’entreprise)
2-La classe fondamentale, en luttant concrètement pour des revendications visant à satisfaire ses besoins (matériels et intellectuels) nécessaires à l’accomplissement d’une vie authentiquement humaine (que ces besoins s’expriment à l’échelle d’un pays ou au niveau international) met par là-même en question la domination universelle de la richesse et de la puissance « abstraites » (Marx),
3-C’est donc à partir de cette réalité de la classe fondamentale que doivent être pensés et réalisés
a- L’union nécessaire de ses différentes fractions.
b-Les liens nécessaires qui doivent être tissés avec ceux qui représentent le pôle de la compétence (c’est à dire les cadres, pour l’instant majoritairement acquis aux thèse du capitalisme libéral) :
4-La question des alliances devient un problème politique majeur :
a-Alliances « tactiques » qui désignent la pratique du compromis dans une conjoncture donnée: exploitation, rémunérations, conditions de travail
b-Alliances « stratégiques » qui renvoient à la communauté des intérêts du combat dans une période historique déterminée: démocratie, changements des normes de production

V / Quelles perspectives révolutionnaires ?

1-« Vers quoi allons-nous depuis qu'on ne veut plus radicalement transformer les sociétés, mais les rendre plus solidaires, plus habitables... L'Europe est d'une certaine manière à refonder dans une vision d'avenir, dans une économie de marché régulée, et un projet de société durable et solidaire » (Jean Viard) ;

2-« Sortir vraiment du capitalisme, c’est donc aller vers la mise en commun universelle de tout ce qui est social et en développant l’appropriation par tous : communisme… il s’agit avant tout d’un mouvement réel. On objecte : mais comment dire réel un mouvement qui n’existe pas encore ? C’est simple : il n’existe pas encore, hélas, comme mouvement conscient de forces sachant en faire leur visée concrète, mais comme mouvement inconscient de l’histoire, sa réalité crève les yeux » (Lucien Sève)

1)-Le concept léninien de crise révolutionnaire

1- Des conditions tout à la fois objectives et subjectives

1-Conditions objectives :
a-« On ne peut faire la révolution... Les révolutions naissent des crises et des tournants historiques objectivement mûrs (indépendamment de la volonté des partis et des classes) » (Faillite de la IIème internationale, 1915).
b-« Il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire, mais toute situation révolutionnaire n'aboutit pas à la révolution. Quels sont, d'une façon générale, les indices d'une situation révolutionnaire ? Nous sommes certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que voici :
1)-impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du « sommet », crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l'indignation des classes opprimées se fraye un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que la base ne veuille plus vivre comme auparavant, mais il importe encore que le sommet ne le puisse plus.
2)-aggravation, plus qu'à l'ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées.
3)accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l'activité des masses, qui se laissent tranquillement piller dans les périodes dites « pacifiques », mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le sommet lui-même, vers une action indépendante. Sans ces changements objectifs, indépendant de la volonté non seulement de tels ou tels groupes et partis, mais encore de telles ou telles classes, la révolution est, en règle générale, impossible.
C'est l'ensemble de ces changements objectifs qui constituent une situation révolutionnaire ». (o.c.,).
2-Conditions subjectives :
« La révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs ci-dessus énumérés, vient s'ajouter un changement subjectif, à savoir : la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l'ancien gouvernement, qui ne « tombera » jamais, même à l'époque des crises, si on ne le « fait choir ».



2-Conséquences

1- La crise révolutionnaire est une crise totale, impliquant tous les niveaux de la vie sociale et politique, c'est avant tout un « profond et puissant mouvement populaire » ;
2- Importance des facteurs subjectifs qui grandit en importance au fur et à mesure du développement de la crise la crise « mûrit », et cette maturation comporte l'action réciproque de l'objectif et du subjectif et, de déterminé, le subjectif devient alors déterminant (la conscience, informée par la connaissance, devient volonté collective) : nécessité d’une perspective claire de transformation sociale => cf. Gramsci plus haut
3- Dans toute crise révolutionnaire il y a une nécessité, et, cependant, un élément imprévu, les facteurs subjectifs.
4-Possibilité de récupération par la bourgeoisie : cf le concept de révolution passive chez Gramsci

2)-Actualité de l’idée gramscienne d’hégémonie des classes subalternes

1- La dictature du prolétariat, une idée dépassée ?

1-Dictature et démocratie, deux aspects d’un même concept : celui de pouvoir. Le pouvoir étant toujours un pouvoir de classe exercé par une ou plusieurs classes sur une ou plusieurs classes, il en résulte la liberté et la démocratie pour telle classe et la dictature sur telle autre
2-« La dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de la vieille société. La force de l’habitude chez les millions et les dizaines de millions d’hommes est la force la plus terrible. Sans un parti… Il est mille fois plus facile de vaincre la grande bourgeoisie centralisée que de « vaincre » (de transformer) les millions et les millions de petits patrons. Or ceux-ci, par leur activité quotidienne, coutumière, invisible, insaisissable, dissolvante, réalisent les résultats mêmes qui sont nécessaires à la bourgeoisie, qui restaurent la bourgeoisie » (La maladie infantile du communisme)
3-« Ce n'est pas la violence seule, ni principalement la violence qui fait le fond de la dictature prolétarienne. Son essence principale réside dans l'esprit d'organisation et de discipline... du prolétariat lui-même».
=>DP qui est liée à la création d’un nouvel organisme démocratique, le soviet.
4-Remarques
a-Certains aspects historiquement dépassés d’une telle conception
b-Pour Lénine comme pour Gramsci,et contrairement au Lukacs de Démocratie et Spontanéité et à ce qui se passera plus tard avec Staline, la DP est la dictature d’une classe et de ses alliés, non celle d’un parti (chez Gramsci, les conseils d’usine de 1920 sont l’expression de la démocratie ouvrière, et dans la société communiste, le Parti doit être au fondement de l’Etat nouveau, mais ne doit pas se faire Etat !)

2-La question centrale de la démocratie

1-Faire de la démocratie le moyen et la fin de l’action révolutionnaire, est-ce pour autant faire l’impasse sur la résistance évidente des classes privilégiées ? Comment organiser cette résistance ? Les privilégiés vont-ils renoncer volontairement à leurs privilèges ?
2-Elle ne peut être pensée en dehors de ce que Gramsci appelait la lutte pour « l’hégémonie des classes subalternes » (classes subalternes = classe fondamentale).
3-La classe dominante ou qui aspire à le devenir cherche à utiliser les intellectuels pour exercer son hégémonie sur toute la société : « La suprématie d’un groupe social se manifeste de deux manières, comme domination et comme direction intellectuelle et morale ».
4- L’Etat lui-même, en tant qu’expression directe du groupe dominant, se fonde sur ces deux éléments :
a-La « dictature », c’est à dire tout l’appareil de décision et de coercition représenté par la société politique,
b- « L’hégémonie » et l’organisation du consensus, qui sont effectives à travers un appareillage de structures idéologiques et d’institutions auxquelles incombe la tâche de la direction culturelle pour le compte de la classe politique dominante.

3- L’hégémonie comme moyen de la transformation révolutionnaire

1-Elle est donc la domination d’une classe sur les autres à travers une opération de contrôle culturel et idéologique, d’exercice du pouvoir, dans un sens non pas tant coercitif que de persuasion rationnelle, d’influence sur la pensée, sur la vie, sur la morale, sur les habitudes sociales et culturelles des individus.
2-La conquête et la sauvegarde du pouvoir de la part de la classe dominante sont toujours plus déterminées par l’étroite connexion entre hégémonie et coercition.
3-Les transformations révolutionnaires ne sont plus imaginées, selon les modalités traditionnelles, comme affrontement direct et violent entre groupes et classes sociales antagonistes, car la lutte pour la conquête et le maintien de l’hégémonie investit tous les terrains : la culture, l’idéologie, la vie de tous les jours, les conditions de travail etc.
=> Quel lien entre « guerre de position », « transformation intellectuelle et morale » (Gramsci) et l’idée « d’ évolution révolutionnaire, processus multiforme et inégal mais poursuivi avec esprit de suite d’initiatives engagées, de succès partiels remportés, de rapports de forces modifiés… » (Lucien Sève) ?

3)-Quelles dynamiques aujourd’hui ?

1-Des obstacles réels aux transformations révolutionnaires

1-Moins de place pour l’utopie
2-Moins d’organisations et d’alternatives crédibles
3-Moins d’objectifs structurants faute de projets politiques clairs et résolument transformateurs
a-Faillite des modèles social-démocrate et soviétique
b-Responsabilité des organisations politiques elles-mêmes (cf plus haut)
4- L’idée d’une crise d’hégémonie
a-Qui explique la défaite des socialistes : Fausto Bertinotti
-pas d’idée de société réellement différente
-un leader prestigieux, une grande tradition politique, une force organisée, la générosité du travail militant ne peuvent se substituer à un projet politique
-la défaite n’est pas seulement électorale : la gauche majoritaire perd la raison d’être de son existence, l’autre gauche se fragmente en petits partis
b- Qui s’explique par l’inexistence de ce que Bertinotti appelle « une subjectivité unitaire et plurielle de l’ensemble de la gauche alternative » capable :
-de proposer un projet politique cohérent de transformation sociale ;
-de faire prendre conscience à l’ensemble du salariat que la solution durable de ses problèmes passe par le dépassement du capitalisme (ex : nécessité de passer de la concurrence à la coopération comme principe social fondateur)
c-Comment construire cette subjectivité ?
-grâce à un projet politique indiquant clairement qu’il faut imposer d’autres valeurs de société
-par la recherche de durables alliances
-par la mise en évidence des liens dialectiques entre luttes immédiates, luttes politiques (élections) et luttes idéologiques

2-La perspective communiste, ou le passage généralisé de l’ « en soi » au « pour soi »

1-Un véritable projet de transformation sociale ne peut faire l'impasse sur la nécessité de repenser la question de la révolution dans un pays développé, et plus précisément de reposer la question du communisme en mettant en lumière, par l’exemple des luttes à l'échelle nationale ou internationale, qu'elle est plus que jamais d'actualité.

2-A travers toutes les luttes sociales et l’immédiateté des exigences du combat et du discours revendicatifs, s’impose cet universel concret qui dessine les contours de cette société plus humaine pour laquelle nous luttons, et que nous ne devons pas avoir peur d’appeler communisme

3-Comme le souligne Lucien Sève, le communisme, celui de Marx, celui qui n'a aucunement échoué parce qu'il n'a jamais existé, « est la seule alternative vraie à ce capitalisme qui sur un rythme accéléré conduit l'humanité à sa perte. ». Ce capitalisme défini comme « la mise en privé universelle », qui prive les êtres humains de « la maîtrise collective sur leurs puissances sociales - les avoirs, les savoirs, les pouvoirs - est la forme extrême de l'aliénation humaine. Sortir vraiment du capitalisme, c'est donc aller vers la mise en commun universelle de tout ce qui est social en en développant l'appropriation par tous : communisme ».
a-Rien à voir avec ce qui exista sous le nom de communisme ou de socialisme, sous quelque forme que ce soit.
b-Rien à voir non plus avec un quelconque « idéal » ou une quelconque « utopie ».

4-Même s'il n'existe pas encore comme un mouvement de forces qui en feraient leur visée concrète, « le communisme est pourtant ce mouvement réel et inconscient de l'histoire », ce « multiforme processus de réappropriation engagé au présent » qui rend possible parce que nécessaire cette « insurrection générale en faveur du bien commun
exemple : la question de l’eau (national et international)

5-Le combat émancipateur ne pouvant plus se faire dans la « sujétion militante » - ce qui ne veut pas dire que la discipline militante ne soit plus nécessaire
a-Nécessité d’une organisation communiste nouvelle.
b-Nécessité pour tous « de se placer d'emblée au-delà des organisations existantes pour faire exister une force de nouvelle génération ».

Conclusion

« La perspective d ‘émancipation sociale est d’abord une révolution intellectuelle : le passage d’une logique d’intégration à une logique d’effraction » (Jacques Rancière, o.c.)

mardi 24 mars 2009

PROGRAMME DES SOIREES 2009

Mise à jour du 13 mars 2009,

A la suite de la soirée du 10 mars, nous avons été amenés à adapter le programme d’avril et mai pour tenir compte de l’indisponibilité de Jean-Louis Bargès, actuellement en soins post-opératoires et de Philippe Branger qui a été nommé sur un poste de prof à Vierzon. En outre Jacques Ducol a demandé à repousser d’un mois la soirée qu’il devait préparer pour le Cercle en conclusion du Cycle sur le Travail. Voici donc les prochains rendez-vous…

*/ …_ Jeudi 26 Mars_/*/ à 20 heures, soirée CNP au Studios à Tours, rue des Ursuline, le CNP, le Cercle Jacques Decour et Attac proposent : « Mal-être et souffrance au travail » - Le film « Travailler à en mourir » de Paul Moreira sera suivi d’un débat avec la participation de Dominique Huez, médecin du travail, Gérard Lecha du Cercle Jacques Decour et Thierry Foullon d’Attac-Touraine. /

*_… Mardi 7 avril_**_* – Dans le prolongement d’une de nos soirées de l’an dernier sur l’œuvre de Paul Lafargue « Eloge de la paresse », Jean-Louis Bargès devait traiter « Vivre sans travailler ? » Dans un ordre d’idée proche, nous vous proposons un film de 1931 (en pleine crise mondiale) qui, avec humour, traite de la liberté et du travail (en prison et dans la vie) ; ce film de René Clair, présenté récemment et nuitamment à la télévision, n’est pas sans rappeler les « Temps modernes » de Charlie Chaplin. Son titre « A nous la liberté ». Vous participerez au débat qui suivra la projection.

_ Mardi 5 mai__ – Théorie – Fin du cycle Le travail : « Classes et conscience de classe, regards sur l’actualité » présentation de Jacques Ducol.

/ Toutes ces* soirées se tiendront - sauf indication contraires - à 20 heures 30,*/

*/salle des Associations, passage Chabrier à Saint-Pierre-des-Corps/*

__*/_Jeudi 28 mai_ au cinéma CNP-Studios rue des Ursulines à Tours – 19 h 45, les Amis du Monde Diplomatique, Frère des hommes, le Collectif droits des femmes PCF 37 et le Cercle Jacques Decour proposent au débat « Ecart entre les revenus et ses conséquences… » (titre provisoire)/*

*/_En Juin_ (un vendredi soir à préciser) soirée de fin d’année : « Les mots de l’Internationale ». /*


*CONTACTS : par internet : « claude.grellard@free.fr
<mailto:claude.grellard@free.fr> » ou « ducol.j.g@orange.fr »*

* ou au téléphone : 02 47 45 14 42*







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vendredi 13 février 2009

PROGRAMME DES SOIREES 2009 MISE A JOUR

Mardi 10 mars_ – Actualité/sociologie - cycle Le travail : Gérard Lecha et Thierry Foullon se proposent de traiter le thème : « Réduction de la nécessité du travail humain avec l’automation et l’informatique et théorisation sur l’individu hypermoderne, selon Eugène Enriquez »

Modification : La soirée du 6 janvier, vous en souvenez, avait dû être annulée en raison de la météo très défavorable qui ne permettait pas les déplacements. Elle avait pour thème « Souffrance et harcèlement au travail ; droit au travail et/ou devoir de travail »- Le CNP présente une soirée sur le même thème le 26 mars – C’est d’ailleurs le Cercle Jacques Decour qui en avait fait la proposition et les deux membres du Cercle qui devaient animer notre soirée de Janvier (Gérard LECHA et Thierry FOULLON sont parmi les animateurs de la soirée du CNP. Nous invitons donc tous les adhérent-e-s, participant-e-s et ami-e-s du Cercle Jacques Decour à se retrouver la soirée du CNP…

… Jeudi 26 Mars 19 heures 45 au CNP, Studios à Tours Le Cercle Jacques Decour avec le CNP, Les Amis du Monde Diplomatique et Attac : « La souffrance au travail » - précédé par un film et suivi de débat.

Précision pour la soirée du 20 février : Nous soutenons cette soirée du vendredi 20 février au Centre Culturel de Saint Pierre des Corps préparée par nos amis Claude Grellard, Patrick Harivel et Alain Leclerc. Une participation aux frais des promoteurs de cette soirée sera perçue sous leur responsabilité. A la suite de la présentation de « Ce n’est pas la rue qui gouverne » : débat avec les participant-e-s.

Mardi 7 avril_ – Théorie – cycle Le travail : « Classes et conscience de classe, regards sur l’actualité » présentation de Jacques Ducol.

Mardi 5 mai_ – Utopie – cycle Le travail : Vivre sans travailler ? Jean-Louis Bargès ouvrira le débat (sous réserve).

Mardi 26 mai_ – Biographie : « Edouard Vaillant, militant socialiste » par Philippe Branger », (sous réserve).

Toutes ces soirées se tiendront - sauf indication contraires - à 20 heures 30,
salle des Associations, passage Chabrier à Saint-Pierre-des-Corps

Jeudi 28 mai au CNP-Studios à Tours – 19 h 45 : le Cercle Jacques Decour, les Amis du Monde Diplomatique, Frère des hommes, Collectif droits des femmes PCF 37 « Ecart entre les revenus et ses conséquences… »


CONTACTS : par internet : « claude.grellard@free.fr » ou « ducol.j.g@orange.fr »
ou au téléphone : 02 47 45 14 42
Site : http://www.jacques-decour.blogspot.com

vendredi 6 février 2009

Quelques remarques à propos de la pièce de Maurice Joly

Quelques remarques à propos de la pièce de Maurice Joly
Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu

Je voudrais tout d'abord remercier Françoise et Gilbert de nous avoir permis de découvrir - c'est du moins le cas pour moi - ce texte décapant qui dénonce les moeurs et les pratiques politiques sous le Second Empire. L'auteur fait partie de ces milliers de républicains, la plupart anonymes, qui n'acceptèrent pas le coup d'état du 2 décembre 1851, qui préférèrent l'exil ou la prison plutôt que la soumission et le déshonneur (Victor Hugo en est la figure emblématique), et dont la grandeur morale est à l’égal de celle d’Antonio Gramsci écrivant à sa mère le 10 mai 1928, à la veille de son procès qui le conduira dans les geôles mussoliniennes pour plus de 10 ans, que « au fond, cette détention et cette condamnation, je les ai voulues moi-même, d'une certaine façon, parce que je n'ai jamais voulu changer mes opinions, opinions pour lesquelles je suis prêt, non seulement à rester en prison, mais à donner ma vie ».
La critique de Maurice Joly démonte de façon magistrale les mécanismes par lesquels le pouvoir politique napoléonien, alliant autoritarisme et démagogie, cherche à conforter son emprise sur l'ensemble de la société. Mais doit-on réduire l’intrigue et la portée du texte de Maurice Joly à la rencontre « entre deux célèbres champions européens de la pensée politique qui confrontent et jouent deux visions opposées du jeu social », à la recherche de la réponse à la question : « qui a vu juste sur l'homme et la société », Machiavel ou Montesquieu ? Si la critique de Maurice Joly est toujours d'une brûlante actualité, ce n'est pas parce qu'elle parle de l'homme en général ou de la société en général - abstractions dont le caractère creux a été mis en lumière par la 6ème Thèse sur Feuerbach (« l’essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé. Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux ») au fondement de l'anthropologie marxienne - mais par ce que, dans des formes et des conditions historiquement autres, la même bourgeoisie capitaliste cherche par tous les moyens, idéologiques et politiques, à maintenir et à renforcer sa domination de classe sur la société, domination de classe qui n’est elle-même qu’un moment de l'histoire.
Il me semble que l'auteur de la pièce, en faisant du florentin le théoricien « de l'autoritarisme et du double langage » comme formes nécessaires et universelles du rapport politique, se trompe dans la mesure où il naturalise ce qui chez Machiavel est historique. En effet, pour Machiavel, le fait politique ne peut être pensé comme détermination d’une certaine essence cosmique de l'homme, mais comme problème historique concret à résoudre, comme jeu contradictoire de la « fortune » (les hasards, la nécessité extérieure etc.) et de la « virtù » (les actes, les décisions humaines qui présupposent l'existence d'un certain libre arbitre chez les êtres humains). C'est d'ailleurs le sens de cette métaphore utilisée par Machiavel dans le Prince : si l'existence et la force du torrent ne dépendent pas des hommes (fortune), il dépend d’eux cependant de lutter ou non contre les inondations par la construction de digues (virtù) : ce qui signifie qu'il n'y a pas de fatalité, que l'avenir des hommes dépend des hommes eux-mêmes. La pensée politique de Machiavel, pour qui l’histoire humaine ne relève pas de l'ordre de la nature, peut être mal interprétée si l'on oublie le cadre historique qui l'a vu naître. Prenons l'exemple des « factions » dont parle la pièce : celles que dénonce Machiavel-Napoléon III, ce sont les sociétés et organisations politiques restées fidèles à la démocratie et à la république, alors que le Machiavel historique condamne celles qui à son époque, en s'opposant aux progrès politiques et économiques, voulaient maintenir le système féodal et ses privilèges. Machiavel est homme de son temps, et c'est avec les moyens de son temps qu'il cherche à résoudre ce problème politique majeur : comment arriver à construire cet État unitaire italien qui, en s'imposant à l’émiettement féodal, permettrait le libre développement des forces politiques et économiques nouvelles, celles du capitalisme marchand en plein essor ? Tout le texte du Prince explique comment doit se comporter le prince - qui symbolise le chef politique, le condottiere idéal - pour créer cette volonté collective nécessaire à la fondation de ce nouvel état. Machiavel a bien compris, s'appuyant sur l'exemple de la France de Charles VII et de Louis XI, que trois conditions au moins doivent être remplies pour parvenir à cet objectif :
- la nécessité pour l'État unitaire national de prendre la forme d'une monarchie absolue ;
- l’existence d'une volonté collective nationale populaire qui nécessite l’irruption de la grande masse des citoyens dans la vie politique (c'est la signification même de la création d'une milice nationale, par exemple) ;
- la reconnaissance de la nécessité d'un tel État doit être si fortement reconnue que tous accepteront, pour atteindre ce but, que soient employés tous les moyens adéquats (celui qui veut la fin veut les moyens nécessaires pour l’atteindre).
Il faut pour cela, selon Machiavel, s'appuyer sur « la réalité effective », qui n'est ni statique ni immobile, mais se manifeste toujours comme rapport de force en continuel mouvement et en équilibre instable : l'objectif de la volonté politique consiste alors à rechercher l'équilibre en s'appuyant sur la classe qui s'affirme progressiste et porteuse d'avenir, la bourgeoisie, en la renforçant pour la faire triompher, en usant de « férocité » à l'égard de tous les partisans de l’ordre ancien qui s'opposeraient à cet objectif. C'est bien d'ailleurs ce que Gramsci avait en vue lorsqu'il notait dans ses Cahiers de prison que chez Machiavel la démocratie est d'un type « adapté à son temps, elle est en fait le consensus actif des masses populaires pour la monarchie absolue, en tant qu'elle vise à limiter et détruire l'anarchie féodale et seigneuriale et le pouvoir des prêtres, en tant qu'elle est fondatrice des grands états territoriaux nationaux, fonction que la monarchie absolue ne pouvait exercer sans l'appui de la bourgeoisie et d'une armée permanente, nationale, centralisée ».
Si Machiavel-Napoléon III correspondait au vrai Machiavel, on ne comprendrait pas pourquoi Jean-Jacques Rousseau, parlant du florentin comme d’un « honnête homme » et d’un « bon citoyen » « forcé dans l'oppression de sa patrie de déguiser son amour pour la liberté » (Note du manuscrit de Neuchâtel du Contrat Social), résumait ainsi la signification d'ensemble de l'ouvrage le plus connu de Machiavel :
« En feignant de donner des leçons au roi, il en a donné de grandes aux peuples. Le prince de Machiavel est le livre des républicains » (Contrat Social, Livre III, chapitre 6, Ecrits politiques, Pléiade, p. 409).

Jacques Ducol

samedi 31 janvier 2009

DIALOGUE AUX ENFERS ENTRE MACHIAVEL ET MONTESQUIEU

Extraits de quelques propos (actuels ?) entre Machiavel…et Montesquieu

DEMARCHES DU POUVOIR – CONSTITUTION - 8è Dialogue

… « L’usurpateur d’un Etat est dans une situation analogue à celle d’un conquérant. Il est
Condamné à tout renouveler, à dissoudre l’Etat, à détruire la cité, à changer la face des mœurs. C’est là le but, mais dans les temps actuels il n’y faut tendre que par des voies obliques, des moyens détournés, des combinaisons habiles, et, autant que possible, exemptes de violence. Je ne détruirai donc pas les institutions, mais je les toucherai une à une par un trait de main inaperçu qui en dérangera le mécanisme. Ainsi je toucherai tour à tour à l’organisation judiciaire, au suffrage, à la presse, à la liberté individuelle, à l’enseignement.
Par-dessus les lois primitives je ferai passer toute une législation nouvelle qui, sans abroger expressément l’ancienne, la masquera d’abord, puis bientôt l’effacera. Telles sont mes conceptions générales, maintenant vous allez voir les détails d’exécution »…
«… Je ferai une autre constitution, voilà tout… »…
Machiavel qui connait les principes de « l’Esprit des Lois » les rappelle allant au- devant des objections prévisibles de Montesquieu…
…« Vous ne manqueriez sans doute pas de me parler du principe de la séparation des pouvoirs, de la liberté de la parole et de la presse, de la liberté religieuse, de la liberté individuelle, du droit d’association, de l’égalité devant la loi, de l’inviolabilité de la propriété et du domicile, de la proportionnalité des peines, de la non rétroactivité des lois … »
… « Je ne vois nul inconvénient à proclamer ces principes ; j’en ferai même, si vous le voulez, le préambule de ma constitution….Je vous ai dit que je proclamerais ces principes, mais je ne vous ai pas dit que je les inscrirais ni même que je les désignerais expressément…Si j’énumérais ces droits, ma liberté d’action serait enchaînée vis-à-vis de ceux que j’aurais déclarés ; c’est ce que je ne veux pas. En ne les nommant point, je parais les accorder tous et je n’en accorde spécialement aucun ; cela permet plus tard d’écarter, par voie d’exception, ceux que je jugerai dangereux... »…

LA PRESSE - 12è Dialogue

Après avoir énoncé que la liberté de la presse serait étroitement surveillée et avoir précisé l’utilisation qu’il ferait de la publicité sélective, MACHIAVEL poursuit…

… « Dans les pays parlementaires, c’est presque toujours par la presse que périssent les gouvernements, eh bien j’entrevois la possibilité de neutraliser par la presse elle-même. Puisque c’est une si grande force que le journalisme, savez-vous ce que ferait mon gouvernement ? Il se ferait journaliste, ce serait le journalisme incarné… »
…« Je compterai le nombre de journaux qui représenteront ce que voua appelez l’opposition. S’il y en a dix pour l’opposition, j’en aurai vingt pour le gouvernement ; s’il y en a vingt, j’en aurai quarante, s’il y en a quarante, j’en aurai quatre-vingts. Voilà à quoi me servira, vous le comprenez à merveille maintenant la faculté que je me suis réservée d’autoriser la création de nouvelles feuilles politiques…. »
… « Je diviserai en trois ou quatre catégories les feuilles dévouées à mon pouvoir. Au premier rang je mettrai un certain nombre de journaux dont la nuance sera franchement officielle, et qui, en toutes rencontres, défendront mes actes à outrance. Ce ne sont pas ceux-là je commence par vous le dire qui auront le plus d’ascendant sur l’opinion. Au second rang je placerai une autre phalange de journaux dont le caractère ne sera déjà plus qu’officieux et dont la mission sera de rallier à mon pouvoir cette masse d’hommes tièdes et indifférents qui acceptent sans scrupule ce qui est constitué, mais ne vont pas au-delà dans leur religion politique.
« C’est dans les catégories de journaux qui vont suivre que se trouveront les leviers les plus puissants de mon pouvoir. Ici, la nuance officielle ou officieuse se dégrade complètement, en apparence, bien entendu, car les journaux dont je vais vous parler seront tous rattachés par la même chaîne à mon gouvernement, chaîne visible pour les uns, invisible à l’égard des autres. Je n’entreprends point de vous dire quel en sera le nombre, car je compterai un organe dévoué dans chaque opinion, dans chaque parti ; j’aurai un organe aristocratique dans le parti aristocrate, un organe républicain dans le parti républicain, un organe révolutionnaire dans le parti révolutionnaire, un organe anarchiste, au besoin, dans le parti anarchiste. Comme le dieu Vishnou, ma presse aura cent bras, et des bras donneront la main à toutes les nuances d’opinion quelconque sur la surface entière du pays. On sera de mon parti sans le savoir. Ceux qui croiront parler leur langue parleront la mienne, ceux qui croiront agiter leur parti agiteront le mien, ceux qui croiront marcher sous leur drapeau marcheront sous le mien »…

LES FINANCES – L’ECONOMIE – LE BUDGET –
18è, 19è et 20è Dialogue

MONTESQUIEU ayant fait observer que…
« … La perfection du système financier, dans les temps modernes, repose sur deux bases fondamentales, le contrôle et la publicité … »
et que…
« …Toute l’œuvre de l’administration financière, si vaste et si compliquée qu’elle soit dans ses détails, aboutit, en dernière analyse, à deux opérations fort simples, recevoir et dépenser… »
En réponse MACHIAVEL développe sa méthode…
… « Au commencement de l’année budgétaire, le surintendant des finances s’énoncera ainsi : « Rien d’altère jusqu’ici, les prévisions du budget actuel. Sans se faire d’illusions, on a les plus sérieuses raisons d’espérer que, pour la première fois depuis bien des années, le budget, malgré le service des emprunts, présentera, en fin de compte, un équilibre réel. Ce résultat si désirable, obtenu dans des temps exceptionnellement difficiles, est la meilleure des preuves que le mouvement ascendant de la fortune publique ne s’est jamais ralenti … A ce propos l’on parlera de l’amortissement qui vous préoccupait tout à l’heure et l’on dira : « L’amortissement va bientôt fonctionner. Si le projet que l’on a conçu à cet égard venait à se réaliser, si les revenus de l’Etat continuaient à progresser, il ne serait pas impossible que, dans le budget qui sera présenté dans cinq ans, les comptes publics ne se soldassent par un excédent de recettes. »…
… « Quelquefois il y a, vous le savez, des mots tout faits, des phrases stéréotypées, qui font beaucoup d’effet sur le public, le calment, le rassurent. Ainsi, en présentant avec art telle ou telle dette passive on dit : ce chiffre n’a rien d’exorbitant ; - il est normal, il est conforme aux antécédents budgétaires ; - le chiffre de la dette flottante n’a rien que de très rassurant. Il y a une foule de locutions semblables dont je ne vous parle pas parce qu’il est d’autres artifices pratiques, plus importants, sur les quels je dois attirer votre attention.
D’abord, dans tous les documents officiels il est nécessaire d’insister sur le dévelop-pement de la prospérité, de l’activité commerciale et du progrès toujours croissant de la consommation.
Le contribuable s’émeut moins de la disproportion des budgets, quand on lui répète ces choses, et on peut les lui répéter à satiété, sans que jamais il s’en défie, tant les écritures authentiques produisent un effet magique sur l’esprit des sots bourgeois. Lorsque l’équilibre des budgets est rompu et que l’on veut, pour l’année suivante, préparer l’esprit public à quelque mécompte, on dit à l’avance dans un rapport, l’année prochaine le découvert ne sera que de tant…
Si le découvert est inférieur aux prévisions, c’est un véritable triomphe ; s’il est supérieur, on dit : le déficit a été plus grand qu’on ne l’avait prévu, mais il s’était élevé à un chiffre supérieur l’année précédente … ».

DEJA L’IMMOBILER… ET LES HBM (habitations à bon marché)
23é Dialogue

« Passons à d’autres objets. Ce qui va vous étonner, c’est que je reviens aux constructions… Vous allez voir l’idée politique qui surgit du vaste système de constructions que j’ai entrepris ; je réalise par là une théorie économique qui a fait beaucoup de désastres dans certains Etats de l’Europe, la théorie de l’organisation du travail permanent pour les classes ouvrières. Mon règne leur promet un salaire indéfini. Moi mort, mon système abandonné, plus de travail, le peuple est en grève et monte à l’assaut des classes riches. On est en pleine Jacquerie : perturbation industrielle, anéantissement du crédit, insurrection dans mon Etat…
La question des constructions qui parait mince est donc en réalité, comme vous le voyez une question colossale. Quand il s’agit d’un objet de cette importance, il ne faut pas ménager les sacrifices. Avez-vous remarqué que presque toutes mes conceptions politiques se doublent d’une conception financière ? C’est encore ce qui m’arrive ici. J’instituerai une caisse des travaux publics que je doterai de plusieurs centaines de millions à l’aide desquels je provoquerai aux constructions sur la surface entière de mon royaume. Vous avez deviné mon but : je tiens debout la jacquerie ouvrière ; c’est l’autre armée dont j’ai besoin contre les factions. Mais cette masse de prolétaires qui est dans ma main, il ne faut pas maintenant qu’elle puisse se retourner contre moi au jour où elle serait sans pain. C’est à quoi je pourvois par les constructions…L’ouvrier qui construit pour moi construit en même temps contre lui les moyens de défense dont j’ai besoin. Sans le savoir il se chasse lui-même des grands centres où sa présence m’inquiéterait ; il rend à jamais impossible le succès des révolutions qui se font dans la rue… Ma capitale ne sera guère habitable, pour ceux qui vivent d’un travail quotidien, que dans la partie la plus rapprochée de ses murs. Ce n’est donc pas dans les quartiers voisins du siège des autorités que les insurrections pourront se former. Sans doute il y aura autour de la capitale une population ouvrière immense, redoutable dans un jour de colère ; mais les constructions que j’élèverais seraient toutes conçues d’après un plan stratégique, c'est-à-dire qu’elles livreraient passage à de grandes voies ou, d’un bout à l’autre, pourrait circuler le canon. L’extrémité de ces grandes voies se relierait à une quantité de casernes, espèces de bastilles, pleines d’armes, de soldats et de munitions. »…
… « Vous comprenez bien que je n’entends pas rendre la vie matérielle difficile à la population ouvrière de la capitale… mais la fécondité de ressources que doit avoir mon gouvernement me suggérerait une idée ; ce serait de bâtir pour les gens du peuple de vastes cités où les logements seraient à bas prix, et où leurs masses se trouveraient réunies par cohortes comme dans de vastes familles. »

MONTESQUIEU : « Des souricières ! »

MACHAVIEL : « Oh ! l’esprit de dénigrement, la haine acharnée des partis ne manquera pas de dénigrer mes institutions… »…
LA FIN … au 25 è Dialogue…

Machiavel…- « … On m’invoque, vous dis-je, comme un dieu ; dans la grêle, dans la disette, dans les incendies, j’accours, la population se jette à mes pieds, elle m’emporterait au ciel dans ses bras, si Dieu donnait des ailes.

Montesquieu :- Ce qui ne vous empêcherait pas de la broyer avec la mitraille au moindre signe de résistance.

Machiavel : - C’est vrai mais l’amour n’existe pas sans la crainte.

Montesquieu : - Ce songe est-il fini ?

Machiavel : - Un songe ! Ah ! Montesquieu ! vous allez pleurer longtemps : déchirez l’Esprit des lois, demandez à Dieu de vous donner l’oubli pour votre part dans le ciel ; car voici venir la vérité terrible dont vous avez déjà le pressentiment ; il n’y a pas de songe dans ce que je viens de vous dire.

Montesquieu : - Qu’allez-vous m’apprendre !

Machiavel : - Ce que je viens de vous décrire, cet ensemble de choses monstrueuses devant lesquelles l’esprit recule épouvanté, cette œuvre que l’enfer même pouvait seul accomplir, tout cela est fait, tout cela existe, tout cela prospère à la face du soleil, à l’heure qu’il est, sur un point du globe que nous avons quitté.

Montesquieu : - Où ?

Machiavel : - Non, ce serait vous infliger une seconde mort.

Montesquieu : - Ah ! parlez, au nom du ciel !

Machiavel : - Eh bien !...

Montesquieu : - Quoi ?...

Machiavel : - L’heure est passée ! Ne voyez- vous pas que le tourbillon m’emporte !

Montesquieu : Machiavel !!!

Machiavel : - Voyez ces ombres qui passent non loin de vous en se couvrant les yeux ; les reconnaissez-vous ? ce sont des gloires qui on fait l’envie du monde entier. A l’heure qu’il est, elles redemandent à Dieu leur patrie !...

Montesquieu : - Dieu éternel, qu’avez-vous permis !... »

Extraits de
« Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu »
de Maurice Joly, précédé de l’Etat retors par Michel Bounan
Editions Allia – 16 rue Charlemagne – Paris IV

dimanche 25 janvier 2009

DIALOGUE AUX ENFERS ENTRE MACHIAVEL ET MONTESQUIEU

Le mardi 3 février 2009, à 19 heures 45
salle des associations, passage Chabrier à Saint-Pierre-des-Corps,
le Cercle Jacques Decour présente le film
« Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu »

Cette soirée se situe dans le Cycle d’études et de débats sur Démocratie et Pouvoir. L’auteur -Maurice Joly (1829-1878), avocat républicain - écrivit en 1864 ce pamphlet pour dénoncer la politique à la fois autoritaire et démagogique de Napoléon III.
La Comédie Française confia naguère à François Chaumette et Michel Etchevery le soin de donner à voir et à entendre cette confrontation imaginée entre Machiavel, partisan de l’autoritarisme et du double langage du chef de l’état, et Montesquieu défenseur idéaliste d’un état de droit démocratique issu du « Siècle des Lumières ».
Un débat permettra d’apprécier l’actualité du propos.
Entrée gratuite. Nombre de places limité

Contacts :
Jacques Ducol : ducol.j.g@wanadoo.fr
Claude Grellard : claude.grellard@free.fr.
Site internet : www.jacques-decour.blogspot.com. Téléphone : 02 47 54 51 44



A propos de
DIALOGUE AUX ENFERS ENTRE MACHIAVEL ET MONTESQUIEU

L’auteur : Maurice Joly (1829-1878) était avocat ; militant républicain, adversaire de Louis- Napoléon Bonaparte dont il dénonçait le sanglant coup d’état du 2 décembre 1851 qui l’avait fait empereur après qu’il ait été élu, trois ans plus tôt, président de la République (première élection au suffrage universel). Pourchassé par l’empereur, Maurice Joly fit imprimer son pamphlet en Belgique. Mais les livres, introduits clandestinement en France par des colporteurs furent totalement récupérés par la police qui mit les livres au pilon et l’auteur en prison.
Un exemplaire retrouvé on ne sait trop comment à la fin du XIXè siècle servit à la police politique du tsar pour fabriquer un prétendu document, intitulé « Le Protocole des sages de Sion » fréquemment utilisé depuis par toutes les propagandes antisémites, sur tous les continents.

L’intrigue de la pièce : la rencontre entre deux célèbres champions européens de la pensée politique qui confrontent et jouent deux visions opposées du jeu social. Qui a vu juste sur l’homme et la société : Machiavel - diplomate florentin de la Renaissance (1469-1527) - ou Montesquieu - éminent philosophe du Siècle des Lumières (1689-1755) ? Le débat est dramatique entre « le procureur » et l’ « avocat » à propos de la modernité, de la démocratie, du pouvoir, du coup d’état, de la souveraineté populaire, de l’élection, de la constitution, de l’université, de la magistrature, du peuple, du référendum, des droits, du logement, de l’armée, tous mots d’entrée pour susciter la réflexion.

La Comédie Française, au début des années quatre-vingt, avait porté la pièce dans un large public à Paris et en Province avec Machiavel-François Chaumette et Montesquieu-Michel Etchevery. Un grand moment de théâtre et de réflexion sur l’état et la démocratie, inexploité en tant que document audio-visuel numérique. France-Culture commercialisa une cassette audio aujourd’hui épuisée.

Les Tréteaux de Port-Royal soutenus par l’Université de Strasbourg présentèrent, en 2004, une adaptation par Christian Nardin – professeur de Lettres au Lycée international de Strasbourg et acteur amateur – dans le cadre d’un Colloque sur Les formes modernes du pouvoir. Cette adaptation fut reprise en 2005 – avec tournage d’un film - puis en décembre 2008. Cette version mérite d’être connue du public. Ce film est un bon vecteur pour l’approche de l’œuvre (contact chnardin@aol.com.)

Présentation au Cercle Jacques Decour : Mardi 3 février 2009, le Cercle Jacques Decour, présente « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu » - l’auteur, l’œuvre et le film - et soumet au débat l’actualité du questionnement sur Démocratie et Pouvoir…

Rendez-vous Mardi 3 février 2009 à 19 heures 45, salle des associations, passage Chabrier à Saint Pierre des Corps –
Entrée gratuite. Nombre de places limité.

Les éditions Allia ont publié en 1999 « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu », précédé de « L’Etat retors » par Michel Bounan. En dernière page de couverture, cet extrait de Maurice Joly :
« Avec des sociétés nouvelles, il faut employer des procédés nouveaux : il ne s’agit pas aujourd’hui, pour gouverner, de commettre des iniquités violentes, de décapiter ses ennemis, de dépouiller ses sujets de leurs biens, de prodiguer des supplices ; non, la mort, la spoliation et les tourments physiques ne peuvent jouer qu’un rôle assez secondaire dans la politique intérieure des Etats modernes. Il s’agit moins aujourd’hui de violenter les hommes que de les désarmer, de comprimer leurs passions politiques que de les effacer, de combattre leurs instincts que de les tromper, de proscrire leurs idées que de leur donner le change en se les appropriant ».

Gilbert Déverines